La modification des traits : un processus évolutif extrêmement rapide parfois…
La recherche en écologie admet de très nombreux exemples où une population change de comportement ou d’aspect très rapidement.
En 1962, Watson, Crick et Wilkins reçoivent le Nobel de médecine pour la découverte de la structure en double hélice de l’ADN (acide désoxyribonucléique), siège de l’information génétique. Pourtant, le génome, découvert de fait assez récemment, n’est que la première étape au développement : les 20.000 gènes de l’homme codent 1 million de protéines, estimation en constante révision. Ceci illustre néanmoins à quel point le vivant est dynamique et que l’ADN n’explique pas totalement la tronche de quelqu’un, déterminée pour beaucoup par toutes les protéines de son organisme.
Ainsi, les changements au sein d’une population peuvent être importants sans que leurs gènes ne soient tant impactés, et ceci rapidement, chez des animaux (Triturus alpestris) ou des végétaux (Tripsacum). Pour une démonstration rigoureuse, nous conseillons l’étude de la thèse de Mathieu DENOËL (1) pour le cas du triton alpin ; des différences de température, d’exposition à des hormones de stress, des différences de quantité de nourriture ou d’assèchement du milieu ; ceci induit des modifications dans le développement de l’animal.
Tout ces changements interviennent en modifiant en profondeur la population, ou juste un individu ou même pendant seulement une étape de sa vie. Les pressions évolutives qui s’appliquent sur les populations couramment citées sont la pollution, voir le cas de la phalène du bouleau (Biston betularia, L. 1758) « devenant » noire au XIXème, aux environs de Manchester du fait des dépôts urbains sur les troncs d’arbre, observée par Kettlewell par exemple. On peut citer d’autres exemples plus proches de nous, avec la diminution de la taille des ailes des hirondelles aux Etats-Unis d’Amérique « à cause » de la présence de nombreuses voitures sur leur lieu de nichage (2), et ceci en quelques générations seulement. Comme changement physique important mais qui ne dure qu’un temps dans une vie, vous pouvez planter un végétal commun du centre de la France sur le bord de mer, Achillea millefolium, L., par exemple. Brûlés par les embruns, les plants seront rabougris. Transplantés ensuite en bord de chemin en Auvergne (au hasard), ceux-ci deviendront aussi beaux que leurs congénères (avec une bonne main verte).
Bref, sans accumuler plus les exemples, il est à conclure que l’évolution peut être plus rapide en fonction de l’intensité de la pression évolutive (phénomène d’hétérochronie). Pourquoi pas chez l’Homme ?
Certaine théories considèrent que la lignée de l’homme (Homo sapiens) a gagné ses traits à partir de son ancêtre commun par progénèse et néotonie : mots barbares signifiant en très simplifié qu’il a gardé ou acquis des caractères juvéniles (grosse tête, os du bassin particuliers lui permettant la marche,etc.) au cours de son évolution. Bien qu’aucune étude concrète ne semble le montrer, ou avec un biais non négligeable, aujourd’hui encore, ces processus pourraient être à l’œuvre. L’étude de l’écologie générale du monde animal montre en tout cas la plausibilité des faits exposés : une forte pression évolutive peut entraîner une modification rapide des populations. Cependant, si l’acquisition de caractères infantiles a pu être un avantage évolutif (gain d’intelligence, bipédie), aujourd’hui, des transformations plus poussées pourraient être néfastes. En effet, les humains pourraient très bien continuer à gagner des caractères d’infantilisme : perte des poils, diminution de la masse musculaire, diminution de la fécondité. Les vecteurs de ces modifications peuvent être cherchés dans la modification du mode de vie ; les progrès médicaux comme en chirurgie obstétrique permettant la survie de beaucoup, diminution de pratiques eugénistes, monstrueuses, comme les stérilisations de force pratiquées jusque dans les années 1980 aux États-Unis d’Amérique, augmentation de l’urbanisation, alimentation riche en sucre et en protéines et affaiblie en vitamines du fait de l’agriculture intensive mise en place après guerre en France, la prescription presque systématique d’antibiotiques… Ce ne sont que suppositions d’un citoyen juste un peu éduqué en la matière, mais les risques encourus pour les populations humaines ne sont ils pas des raisons suffisantes pour, non pas revenir à des pratiques horribles ou superstitieuses, mais bien accorder plus d’intérêt à son alimentation, éviter la facilité en venant s’installer en ville plutôt que de se salir les mains en bêchant le jardin, arrêter la prise systématique de médicaments mais plutôt prendre la tisane amère de grand-mère…
Si les habitudes (que nous connaissons tous comme néfastes pour l’humain, supposées ici comme provoquant rapidement à l'échelle de l’évolution des anomalies pour les populations humaines) ne sont pas enrayées, même le bonheur de manger un carré de chocolat pourrait devenir mauvais pour la santé...
« Nous sommes faits de ce que nous mangeons, si tu manges de la merde, tu sais ce que tu deviens. » (Un illustre inconnu)
Références bibliographiques :
(1) : DENOËL, Mathieu. Avantages sélectifs d’un phénotype hétérochronique. Eco-éthologie des populations pédomorphiques du triton alpestre, Triturus alpestris (Amphibia, Caudata). Edité par le Laboratoire de biologie du comportement : Ethologie et Psychologie animale Institut de Zoologie de l’Université de Liège Quai Van Beneden, 22, B-4020 Liège BELGIQUE, volume 21 des cahier d’éthologie, 2001, 338 pages
(2) : BROWN Charles. Where has all the road kill gone ?. Edité par Elsevier Inc., 2013
Pierre o’la Lune
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