LE FILM : Regain, Marcel Pagnol, 1937 - Article en lien avec le Spartacus de Novembre 2017
Dans ce film, adapté du roman homonyme de Jean Giono et tourné dans l’authenticité des ruines d’un village de Provence, ce n’est pas sans émotion que l’on voit dès les premières minutes l’un des trois derniers habitants du village d’Aubignane, un forgeron de quelque quatre-vingts ans, quitter celui-ci pour aller habiter chez son fils. C’est à ce moment que la Mamèche (Marguerite Moreno), une autre habitante d’Aubignane, propose à Panturle (Gabriel Gabrio), le dernier des trois et le plus jeune avec ses quarante ans, de lui trouver une femme pour repeupler le village. Par ruse, elle amène le rémouleur Gédémus (Fernandel) et Arsule (Orane Demazis, qu’il a sauvée d’un viol et exploite pour tirer sa charrette) vers Aubignane. Après deux rencontres avortées, Panturle et Arsule se découvrent enfin... Et Panturle demande à Arsule de l’accompagner à Aubignane. Elle accepte et Gédémus disparaît du film pour un temps.
Commence alors la deuxième partie du film : le regain proprement dit, les efforts des deux jeunes habitants d’Aubignane pour faire revivre le village. La transformation du village commence par celle de l’homme : pour faire plaisir à sa femme, Panturle se fait raser et coiffer. Après le spectacle de leur travail, grand retour de Gédémus, dans un petit car de campagne, où l’on assiste à la discussion entre des paysans et un négociant en blés se rendant à la foire, au sujet de l’échec absolu d’un blé importé du Canada : où l’on discerne une critique discrète des politiques étatiques et des décisions scientifiques déconnectées des réalités locales. Panturle, à cette foire, est le seul à avoir du blé, car il a cultivé une ancienne variété, le négociant lui achète donc ses vingt sacs. A cette occasion, Panturle à Arsule : « le premier grain de blé, c’était toi. ». Finalement, Panturle et Gédémus règlent à l’amiable leurs comptes. La scène finale montre Panturle labourant son champ, puis l’arrivée du fils du forgeron, déterminé à récupérer la maison et les champs de son père, afin de les remettre en culture, quittant ainsi la ville pour un retour aux sources, motivé par la liberté et l’absence de hiérarchie.
Au total, on peut dire de ce film qu’il est un vibrant hommage aux valeurs paysannes traditionnelles, un discours aux connotations agrariennes marquées qui défendent un retour à la terre et le travail aux champs, d’où nous sommes tous originaires. Ce film présente également des personnages attachant, trempés d’authenticité avec leur accent du Sud, entrés dans des rapports complexes les uns avec les autres. C’est la femme qui ramène le village à la vie et l’homme à la société, et l’ultime scène présente Arsule, révélant à son homme qu’elle est enceinte : l’arrivée d’une nouvelle génération. C’est par ailleurs la succession immuable des générations et le vaillant sacrifice des aînés pour la survie du village que met en lumière ce film fort et optimiste. Soyons donc convaincus par le grand réalisateur que le déclin des campagnes n’est pas inéluctable et que la volonté d’un seul, et plus encore de plusieurs, peut toujours changer le cours des choses !
CITATION : « On doit moins suer à faire de l’argent qu’à faire du pain. »
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